Pipi au lit
Qui n'a pas fait pipi au lit ? Moi, j'en ai fait, moi. Mon souvenir en est encore vif. Très vif. Plus que très vif. Sans fin. Et pour cause. Mon fils fait toujours pipi au lit. Il a dix ans. Il dort toujours avec moi.
Nous faisons chambre à part, mon mari et moi. Mon fils et moi, non.
Son urine enfantine certes, mais urine avant tout, d'abord chaude et envahissante, lorsqu'il se soulage pendant la nuit, ensuite froide et odorante, me rappelle mes nuits pré-maritales, quand j'envoyais dans les draps le pipi jaune et chaud... C'est Jérôme qui a arrêté tout ça. Une fois la nuit de noces passée, une fois ma fleur déflorée ou flétrie, comme vous voulez, j'ai arrêté les mictions incontrôlées et nocturnes. Un élément étranger et frustrant était intervenu dans ma vie. Dans mon esprit. Dans mon corps. Je n'ai jamais inondé mon mari de mon pipi nocturne. Mon fils, par contre, m'inonde tous les deux jours, enfin, toutes les deux nuits, de son urine. Et finalement, ça ne m'est pas désagréable. Sa petite bite n'entre pas en érection. Ou je ne m'en rends pas compte, peut-être. Peut-être. Elle n'est pas encore érectile. Son pipi, je veux dire, n'est pas encore séminal. Je serais tentée de dire « spermique », mais le dictionnaire s'y oppose. Même si le sens de ce mot inexistant serait plus proche de la réalité qui nous préoccupe. Qui me préoccupe.
Qui. Me.
Depuis dix ans (ou presque) je dors dans le pipi de mon fils. Le regard de mon mari est torturé. Mais il me supporte. Il nous supporte. Je me demande comment fait-il pour nous supporter ainsi, « pipieux » tels que nous sommes. Il me fait l'amour parfois. Après que j'ai pris une bonne et longue douche, évidemment. Il lui arrive de m'inviter de prendre la douche ensemble. Histoire de s'assurer de ma propreté... Mais pas seulement.
Nous nous aimons, peut-être.
Je ne sais pas.
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