Un mort se réveille dans mon âme
Il me sera difficile de limiter à deux pages l'histoire qui suit. J'utiliserais le talent de Fabienne (biographe axée sur le sexe) et mon talent personnel d'adaptateur...
Claude, je l'ai vue uniquement au Les deux coyotes, le café tenu par Nelly (bridgeuse elle même), une cinquantenaire tout aussi baisable que Claude. (Je pense, d'ailleurs qu'entre elles il y a une certaine complicité. Sinon, pourquoi venait-elle, la Claude, chaque dimanche à l'heure de l'apéro-midi, se mélanger à la bande souvent joyeuse de bridgeurs, médecins, notaires, avocats et autres solitaires qui ne savaient pas quoi faire de leur mi-dimanche?)
Bref, suivant les dires de Fabienne, Claude aurait connu l'homme, le mâle, dans la personne de son mari, Ancion, dont je méconnais le prénom, ayant comme métier l'achat/vente de sperme de taureau limousin, personnage trop connu à Limoges, frère aîné d'un autre Ancion, ayant comme métier l'achat/vente d'ovocytes de vache limousine, dont, pareil, je méconnais le prénom.
- Disons Ancion 1 et 2.
Les 1 et le 2, qui partagent les mêmes locaux, où ils professent leurs arts complémentaires.
Très jeune, selon Fabienne, la Claude s'ennuyait grave avec l'Ancion 1. À l'âge de trente ans elle se serait dit qu'il fallait vivre un peu. Il lui fallait essayer un autre homme.
Le premier essayé fut le frère même d'Ancion 1, l'Ancion 2. Le break n'en fut pas un.
- Claude revint chez l'Ancion 1.
Le 2 et le 1 restèrent des frères unis, partageant les mêmes locaux professionnels et parfois les mêmes clients. Avec une parenthèse où il ping-pongèrent en plus la même femme... La société, elle, jasa un peu, mais rien de méchant. Claude connut d'autres hommes.
- Mais pas l'Homme, le Mâle.
Fabienne trouvait que Claude était particulièrement triste, dernièrement. Elle ne parvenait pas à rencontrer son baiseur total.
- Son échappatoire de cette vie limougeaude de merde qui nous tue tous dans notre ennui, dans notre tiédeur, dans notre vie trop longue, souvent trop inutile, dans notre rien de mes deux...
C'est vrai qu'elle est bien cette Claude. Elle parle peu. Sa poitrine doit être moyenne, mais pas moche, pas mauvaise. Ses yeux noirs lancent des regards ni trop joyeux, ni trop abattus, ni trop participatifs, ni trop indifférents, enfin ni-ni. Lorsqu'elle quitte sa chaise, ses jupes, robes ou pantalons laissent deviner des hanches et des fesses appétissantes. Je pense qu'elle à une langue promeneuse. Pareil pour Nelly, dont le regard me dit presque sans équivoque qu'elle serait contente que le nouveau, l'étranger – moi ! – lui mette la main au panier...
Mon problème, pourtant, reste le même : l'âge. Il n'y a pas d'âge pour « ça », dit-on de plus en plus souvent. L'espérance de vie a beaucoup augmenté et il y a des couples qui se forment et qui passent devant Monsieur le Maire même à quatre-vingt-dix ans...
Oui, il y en a. Mais ça ne change rien. Pour moi, du moins.
- Et du coup, ni pour Claude, ni pour Nelly, ni pour nombre d'autres encore.
Après quoi il ne me reste qu'à constater qu'un mort se réveille dans mon âme.
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